Les recettes sont histoires de culture, familiale ou régionale. Elles sont depuis toujours le sujet de sympathiques discordes entre défenseurs de LA recette authentique ou de connivences quasi ésotériques entre initiés qui connaissent "l'ingrédient secret" qui change tout, qui transforme un plat triste et dépressif comme un congrès de notaires en pétulant feu d'artifice pour papilles, prompt à déclencher bonne humeur, convivialité et compliments pour le cuistot.
Pour ma part, j'aime aussi celles qui sont histoires de circonstances, nées fortuitement d'un accident ou d'une opportunité :
- Un ingrédient, pourtant incontournable, vient à manquer ? on le remplace par un improbable "autre chose" qui devrait faire l'affaire…
- Un ami inspiré fait une suggestion, qui au premier abord vous semble totalement saugrenue puisque vous connaissez LA recette et "l'ingrédient secret" qui change tout ? on l'adopte en criant au génie parce que c'est votre ami, même s'il ne connait pas "l'ingrédient secret" qui change tout…
- Une illumination soudaine et irrépressible vous pousse hors du chemin qui semblait à jamais gravé dans le marbre de LA recette ? du coup, celle ci pourrait bien finir à un clou dans la cabane au fond du jardin…
La recette que voilà est le fruit d'un peu de tout ça. Essayez donc de faire un plat "typiquement" lorrain quand vous êtes dans le Berry, sous l'influence d'une ch'ti droguée au maroilles et gourmande comme un chat devant un pot de lait, abreuvé par un cousin mi-lorrain mi-polonais, gourou d'une secte d'adorateurs de Bacchus (le seul vrai Dieu, ou alors Gambrinus, à la rigueur,
pour s'échauffer) et que vous cuisinez pour aller diner chez le couple belgo-gardois le plus sympa d'Europe… Forcement ça pousse à l'improvisation.
Ingrédients :
1 gros lapin, mort et épluché
1 bouteille de sancerre blanc (obligé dans le Cher)
1 petit verre de mirabelle (Schnaps pas fruit)
2 échalotes coupées en quatre
1 bière fraiche et de bonne facture
1 grosse carotte
1 petit bouquet de persil (les queues feront l'affaire si vous avez besoin du persil pour autre chose)
200g de figues molles (séchées mais pas trop)
1 sachet d'agar-agar
La veille…
Désossez entièrement le lapin et coupez la chair en petits cubes d'un centimètre de côté (important ici d'avoir un bon couteau bien aiguisé, lame courte et étroite).Gardez le foie pour en faire une délicieuse salade avec de la frisée et du vinaigre de cidre… et gardez la tête pour en faire un presse papier ou des marionnettes pour les enfants si vous trouvez ça joli.
Mettez la chair du lapin à mariner avec le vin blanc, la carotte coupée en morceaux, l'échalote, le persil, et le petit verre de mirabelle. N'oubliez de saler et de poivrer modérément la marinade.
Buvez la bière (vous l'avez bien mérité).
Le jour même…
Egouttez et filtrez la marinade. Séparez la viande et la garniture. Mélangez la viande et les figues coupées en 4 (ou 6 si elles sont grosses, les figues). N'oubliez pas de saler et de poivrer. Une seule solution pour mélanger de manière homogène : y aller délicatement mais franchement avec ses petites mains.
Tassez dans une terrine et couvrez avec la marinade (juste un peu au dessus du niveau de la viande). Fermez la terrine et la mettez la à cuire pendant 2 h 30 au bain marie dans un four à 200° (veiller à ce qu'il reste toujours de l'eau dans le bain marie pour une cuisson bien humide).
Là, en principe, vous regrettez de n'avoir prévu qu'une bière et d'avoir mis tout le vin blanc dans la marinade parce que vous auriez bien bu un coup…
Dès la sortie du four, récupérez le jus de cuisson en le versant dans un saladier tout en laissant la viande dans la terrine (C'est très chaud mettez des gants). Tassez la viande au fond la terrine. Ajoutez 1 g d'agar-agar (½ sachet en principe) dans le jus de cuisson et versez sur la viande. Laissez refroidir quelques heures.
Servez ça avec une petite salade toute effrontée et une tranche de bon pain. C'est bon !
Ecoutez Broken Bells
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